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Photo du rédacteurMarc THOMAS

Assise 2 : Retour à l'Évangile

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Dans l’émission précédente, je vous parlais de François d’Assise, non pour vous raconter sa biographie, mais pour vous dire ce qui m’a touché dans sa personne et dans sa trajectoire, et en quoi cela est devenu ressource et racine qui donne sens à ma vie.

 

Je ne vous raconte pas souvent ma vie dans ces émissions, mais j’avais envie aujourd’hui de vous partager comment j’ai accompagné des groupes d’adolescents à Assise, entre 1983 et 1990. L’évêque de Nancy m’avait envoyé dans ce quartier au lieu-dit « Champ le Bœuf », dans une banlieue de Nancy. Ce quartier encore en construction sur 2 communes de la banlieue de Nancy était habité par des populations différentes : environ 70 % de logements sociaux pour des populations souvent en situation précaire et 30% de copropriétés et de pavillons pour des classes moyennes accédant à la propriété et pour des personnes plus aisées. Une petite chapelle toute neuve existait. Je me suis inséré dans les dynamiques sociales, associatives et intercommunales de ce quartier et j’ai contribué ainsi à la création d’une paroisse, avec la participation de tous et dans les dynamiques collectives du quartier.


VIVRE L’ESPRIT D’ASSISE AU QUOTIDIEN

 

Dans ce quartier périphérique de la ville de Nancy, l’équipe paroissiale en charge des ados cherchait un projet qui permettrait d’accompagner les ados dans leur croissance, et de rester en contact avec l’Eglise. J’ai suggéré un voyage à Assise… Alors toutes les familles qui avaient des moyens financiers se sont réjouies, et les plus pauvres se sont retirées : comment payer un tel voyage ? Nous étions en plein dans la situation de François entre riches et pauvres.

 

J’ai alors pris mon bâton de pèlerin, et je suis allé rencontrer toutes les familles en difficulté. La plupart de ces familles n’étaient pas des pratiquants et se sentaient loin de l’Eglise. Je leur ai dit : « si votre fils ou votre fille ne vient pas pour des raisons financières, personne n’ira à Assise ! » Mais alors, me disaient-ils, comment faire ?

 

 Je leur ai dit que j’avais besoin d’eux : qu’ils pouvaient nous donner un coup de main pour gagner le prix du voyage… J’ai demandé à des papas de superviser des lavages de voiture par les jeunes… A l’époque on ramassait et revendait aussi les vieux papiers… J’ai demandé à des mamans ou à des jeunes de faire des gâteaux à vendre à la sortie de la messe… Certains parents avaient des jardins et je leur ai proposé de donner une petite partie de leur récolte de pommes de terre, de carottes, ou d’autres produits du jardin. En effet, une dame du quartier s’était proposée de nous accompagner bénévolement et de nous faire la cuisine. La plupart des parents se sont mis à y croire, ils étaient même heureux qu’on leur demande une participation à leur mesure. Nous étions en train de vivre dans la banlieue de Nancy ce que les petits et les pauvres d’Assise avaient vécu avec François, retrouvant une place, une dignité, mais aussi l’espoir et la fraternité en actes.

 

ALLER S’IMPRÉGNER DE L’ESPRIT D’ASSISE


Et tous sont partis ! Nous étions 40 en bus, les soutes chargées de la nourriture pour une semaine. Avant le départ, j’ai dit aux parents : nous rentrons samedi prochain vers 11 heures : préparez-nous un apéro ! » Et j’ai demandé discrètement aux habitués de la paroisse de laisser faire les parents qui ne venaient jamais à l’église. C’était à eux, comme au temps de François, de « reconstruire l’Eglise » ». A notre retour, ces parents avaient vidé notre chapelle de ses chaises, avaient dressé au milieu de la chapelle une table recouverte de napes blanches et de fleurs et ils avaient cuisiné tout un repas que nous avons partagé tous ensemble. Ainsi l’esprit de François d’Assise se vivait dans notre quotidien…

 

Ce voyage n’était pas un pèlerinage classique pour faire des célébrations et des prières dans toutes les églises. Nous n’allions pas à Assise pour tout connaître de François. Nous n’allions pas d’abord admirer un Saint du Moyen Age ni lui demander de veiller sur nous.  Non ! Nous allions chercher à Assise ce qui résonnait en nous, ce qui nous faisait « vibrer » et ce qui pouvait faire sens dans nos vies de jeunes ou d’adultes.


Pour cela, nous allions respirer les lieux que François aimait tant, souvent dans la nature, et aussi bien sûr à la Portioncule, lieu de la première communautés de frères autour de François, aux Carceri, ce lieu montagneux proche de la ville où François se retirait pour méditer, au tombeau de François dans les sous-sols de la Basilique, à Gubbio sur les traces du loup…

 

Nous n’y faisions pas d’abord des prières, nous n’écoutions pas des enseignements donnés par des spécialistes ! Mais avant le voyage, les participants s’étaient réunis en petites équipes, avaient cherché des renseignements dans des livres et documents à leur disposition et avaient préparé la visite d’un lieu…

 

Et sur place à Assise, ce sont eux qui faisaient visiter ce lieu à tout le groupe. Puis des temps de silence et de marche, suivis de petits groupes de parole permettaient de retenir et digérer les découvertes, et d’y chercher du sens pour notre vie. Et chaque soir, nous imprimions sur une vieille machine à alcool le journal de notre journée et les découvertes de chacun.

 

Quand je retourne aujourd’hui en Lorraine, je rencontre à nouveau beaucoup des jeunes ayant participé à l’un des voyages à Assise. A l’époque ils avaient 14-15 ans, ils ont aujourd’hui 50 ans ou un peu plus. La plupart me disent combien ce voyage a marqué leur vie, à orienté pour certains leur trajectoire professionnelle ou leurs engagements dans la vie de la Cité. Ils me disent aussi combien leurs origines sociales différentes ont été une découverte très constructive de l’autre, de la différence, et de la possibilité du vivre-ensemble.

 

J’ai ainsi accompagné de nombreux groupes de jeunes et quelques groupes d’adultes toujours pour trouver du sens à nos vies sur les chemins de François, par un retour à l’Evangile vécu et partagé au quotidien.

 

VIVRE AUJOURD’HUI L’ESPRIT DE L’EVANGILE


Je ne vous raconte pas tout cela pour évoquer de vieux souvenirs. Mais pour vous dire l’importance de traduire dans notre quotidien d’aujourd’hui les inspirations que nous allons chercher chez des grands hommes comme François d’Assise ou sur d’autres modèles que nous admirons.

 

Si nous nous contentions d’admirer ce qu’a fait François en son temps, si nous nous contentons de chanter les louanges des saints ou des modèles humains que nous admirons, serait-ce suffisant pour donner du souffle à nos vies d’aujourd’hui ?

 

Dans la manière dont nous avons pensé ces voyages à Assise avec des jeunes d’un quartier populaire de la banlieue de Nancy, nous avons voulu d’abord vivre notre voyage à la manière de François :

 

  • donner toute leur place aux jeunes et aux parents habituellement peu sollicités dans la société.


  • promouvoir l’initiative des parents en les rejoignant dans leurs capacités, et sans leur demande d’avance de se conformer à nos habitudes ecclésiales.

     

  • susciter l’intérêt des jeunes en leur donnant les moyens de préparer à l’avance ce qu’ils allaient découvrir, plutôt que leur demander d’écouter nos discours d’adultes.

     

  • choisir des moyens simples et accessibles à tous, en veillant à ce que le financier n’élimine personne

     

  • valoriser  la fraternité entre des jeunes issus de milieux sociaux différents


  • laisser des personnes s’approprier notre chapelle pour nous accueillir au retour, alors qu'elles ne viennent pas habituellement à l’église

 

Ainsi nous avons expérimenté dans ce voyage et dans la vie de la paroisse la simplicité, la fraternité et la pauvreté choisies par François dans son retour à l’Evangile.


Dans la manière dont nous avons vécu ce pèlerinage, nous avons appris de nouvelles manières de prier et de célébrer qui pourraient intéresser nos communautés aujourd’hui.

 

-  il ne s’agissait pas d’un pèlerinage religieux comme on les connaît habituellement.

- il s’agissait d’abord d’écouter ce qui résonne en nous : découvrant la vie de François et les lieux qu’il a fréquentés jadis, il s’agissait d’écouter ce que chacun de nous ressentais, ce que ça nous faisait, ce que nous aimions, ce qui nous interrogeait, et de partager tout cela entre nous. Une manière de s’imprégner de l’esprit de François et de laisser cela pénétrer dans nos vies, dans nos projets, dans nos interrogations. Beaucoup des adolescents qui ont vécu ces voyages ont dit des années après combien cela avait ouvert des pistes pour leurs choix de vie

 

Ainsi, le Dieu que nous prions n’est plus à l’extérieur, nous ne le cherchons plus dans des images toutes faites ni dans les enseignements d’un autre, nous ne lui demandons plus de résoudre nos problèmes à notre place. Mais nous le trouvons en nous, dans ce qui nous touche personnellement, dans les initiatives que nous prenons, dans les partages entre nous et les ressentis différents de nos voisins.

 

Et nous pouvons célébrer cela tous ensemble, autant en célébrant l’Eucharistie ou le Pardon qu’en vivant concrètement le partage d’une vie commune, la responsabilité de la réussite partagée par tous, et la gestion des inévitables tensions. C’est aussi le retour à l’Evangile de l’Incarnation, chaque fois que nous trouvons la lumière en nous, et des chemins qui s’ouvrent et nous donnent envie de faire des choix de vie constructifs.

 

Je nous souhaite à tous de pouvoir vivre de telles expériences ! Aller en pèlerinage à nos sources, parfois sans se déplacer mais en se mettant vraiment à l’écoute de soi, pour donner du goût et du sens à notre quotidien, et pour trouver les personnes et les groupes avec lesquels nous pouvons vivre un partage simple, fraternel et ouvert à tous



Marc THOMAS



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