Avent 4 : Dieu au ventre de la femme
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A quelques jours de Noël, je continue à explorer avec vous l’inouï de ce Dieu qui choisit de s’incarner dans la réalité du monde d’aujourd’hui tel qu’il est.
L’Evangile du 4ème dimanche de l’Avent nous présente l’incarnation de notre Dieu au ventre de la femme, et plus particulièrement la rencontre entre deux femmes enceintes : la jeune Marie qui porte en son ventre Jésus, et la femme mûre Elisabeth qui porte en son ventre Jean-le-Baptiste.
Et parce que cette Visitation nous présente deux femmes enceintes, je laisse aujourd’hui la parole à deux mères de famille pour commenter cette rencontre à partir de leur propre expérience.
D’abord Annick Rivet, réunionnaise originaire de métropole, mère de 2 enfants et grand-mère d’un petit fils :
Pour moi ce texte de Luc et cette rencontre entre 2 femmes qui portent la vie en elle (et pas n’importe quelle vie !), représente une immense bouffée d’espérance, l’espérance du monde à venir, l’espérance d’un Dieu qui se rend présent dans nos vies.
Pourtant, à lire de plus près, accueillir cette annonce ne va pas de soi. Cet enfant est annoncé au moment où il ne devrait pas y en avoir. On nous dit qu’Elisabeth était « trop âgée » pour enfanter et Marie qui n’est pas encore mariée se confronte, elle, aux convenances sociales.
Elles avaient toutes deux accepté leur condition, s’en remettaient à Dieu…
Quelle surprise ! mais aussi quel bouleversement dans leur vie à partir de ce moment, et même quel risque personnel elles ont accepté !
Je suis une gramoune et, sans vous raconter ma vie, j’aimerais partager deux réflexions avec vous.
Le monde d’aujourd’hui nous demande d’être volontaire, d’avoir des projets, d’être efficace, conforme, performant ou performante. Pourtant ce texte nous montre deux femmes, dans la joie, qui font tout autrement. Elles accueillent ce qu’elles ne peuvent comprendre ou maîtriser totalement.
Cela m’évoque que, de la même façon, accepter, accueillir l’inattendu apporté par les autres dans nos vies n’est pas facile. On ne sait jamais où cela nous entrainera, peut-être juste un peu plus loin, mais peut-être cela bouleversera-t-il notre vie. Il ne s’agit pas de tout accepter, il y faut du discernement me direz-vous. Et vous aurez raison. Tout ce que je peux dire, c’est que dans mon expérience personnelle, chaque fois que j’ai osé -car il faut de l’audace, même à tout petit niveau- accepter des situations professionnelles ou personnelles inattendues, surprenantes, cela m’a entrainée dans beaucoup de travail, d’efforts mais cela m’a chaque fois transformée et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui je peux être heureuse et en paix avec mon passé.
Ensuite, ces deux femmes ne sont pas seules, et les hommes qui les accompagnent ont eux aussi été sollicités pour accueillir, « sans rien dire », cet inattendu divin. On peut imaginer qu’ils ont pu eux aussi se sentir débordés par la situation. Qu’accepter de ne pas être celui qui sait, qui « maîtrise », amène aussi ces hommes à « sortir d’eux-mêmes » et de leur rôle pour accueillir cette bénédiction. Il faut aussi leur rendre hommage. Car, qu’auraient pu devenir ces femmes dans un milieu qui pouvait être hostile ? Auraient-elles pu être ces messagères de confiance et d’espérance s’il ne s’était trouvé, à côté d’elles, des personnes bienveillantes, aidantes pour mener à bien leur mission.
Accueillir est une vertu généralement associée au féminin et c’est probablement juste. Mais il me semble qu’associer l’accueil au seul féminin est sans doute une erreur, tout comme associer accueil et passivité, et que cette erreur peut avoir une part de responsabilité dans les situations de violence entre hommes et femmes notamment.
Oser accueillir, c’est aussi transformer. C’est leur corps qui accueille, c’est leur corps qui fait le travail de construction. Accueillir, transmettre la Bonne Nouvelle, c’est pour moi lui donner de la chair dans nos rencontres avec les autres pour que le monde change…
Accepter l’inattendu de Dieu dans nos vies, lui dire « oui » non pas du bout des lèvres mais du fond du cœur, peut aussi bouleverser nos vies.
Annick RIVET
Avant d’écouter Erika, je vous propose une rapide pause musicale, avec quelques passages du merveilleux hymne à l’amour écrit par Edith Piaf et chanté par Céline Dion à l’ouverture des derniers Jeux Olympiques de Paris. Ecoutez bien les paroles : il me semble que Elisabeth et Marie auraient pu les chanter elles aussi :
Et voici maintenant Erika Dijoux, réunionnaise créole, mère de 3 enfants :
Aujourd’hui, plongeons-nous dans une rencontre extraordinaire : celle de Marie et Élisabeth. Deux femmes, deux histoires improbables, deux vies qui se croisent pour changer le cours de l’Histoire. Cette scène, qu’on appelle la Visitation, est bien plus qu’un simple moment de retrouvailles familiales. C’est un moment de joie, de foi, et d’espérance… et, si on y regarde de près, un moment qui résonne encore très fort dans nos vies aujourd’hui.
Imaginons un instant : Marie, une jeune fille, presque une enfant, choisie pour porter en elle le Fils de Dieu. Elle se rend chez Élisabeth, une femme plus âgée, qui, elle aussi, vit un miracle. Celle qui était stérile attend un enfant, Jean, celui qui préparera la voie pour Jésus. Elles se retrouvent, elles s’embrassent, et tout de suite, il y a une explosion de joie. L’enfant dans le ventre d’Élisabeth bondit, et Élisabeth proclame : « Tu es bénie entre toutes les femmes ! »
Ce moment, c’est plus qu’un bonheur partagé. C’est une communion profonde entre deux femmes qui savent que Dieu fait irruption dans leurs vies. Et il le fait dans le corps, dans leur corps, dans leur être le plus intime. Ce sont elles, ces deux femmes, que Dieu a choisies pour commencer quelque chose de totalement nouveau.
Quand on y réfléchit, c’est fou, non ? Dans une société où les femmes n’avaient pas beaucoup de droits, pas beaucoup de voix, Dieu leur confie les plus grandes missions. Il ne passe pas par les puissants, ni par les temples, mais par deux femmes ordinaires, dans un coin reculé. Marie et Élisabeth nous rappellent que Dieu agit souvent dans les marges, dans ce qui semble petit ou insignifiant. Et si c’était encore le cas aujourd’hui ?
Regardons autour de nous. Combien de « Marie » et d’« Élisabeth » croisent nos vies ? Ces femmes qui portent la vie, qui nourrissent l’espoir, souvent dans l’ombre. Elles sont dans nos familles, dans nos écoles, dans les hôpitaux, … Ce sont elles qui tiennent bon, qui transmettent, qui prennent soin. Ce sont elles les vraies crèches où Jésus continue de naître.
Ce qui me touche aussi dans cette histoire, c’est le lien entre ces deux femmes. Marie est jeune, elle débute dans la vie. Élisabeth, elle, a de l’expérience, elle a traversé des épreuves. Et pourtant, il n’y a pas de barrière entre elles. Élisabeth accueille Marie avec bienveillance, avec amour. Elle l’encourage, elle la bénit. C’est beau, non ? Cette solidarité entre générations, on en a tellement besoin aujourd’hui.
On vit dans un monde où tout va vite, où les liens se distendent. Mais ici, Marie et Élisabeth nous montrent une autre voie : celle d’un soutien mutuel, d’une écoute, d’une joie partagée. Et si on prenait exemple sur elles pour bâtir des ponts entre les générations, dans nos familles, nos communautés, nos Églises ?
Alors, qu’est-ce que cette histoire a à nous dire, à nous, femmes et hommes d’aujourd’hui ? Je crois qu’elle nous appelle à ouvrir les yeux. À chercher où, autour de nous, Dieu est en train de visiter son peuple. Peut-être que toi, qui m’écoutes, es une Marie ou une Élisabeth. Peut-être que tu portes quelque chose d’unique en toi : un projet, une parole, une espérance. Peut-être que tu es appelée à soutenir quelqu’un d’autre dans son chemin. Dieu agit à travers les rencontres, à travers le quotidien. Et il continue de faire de grandes choses, souvent là où on ne l’attend pas.
En ce temps de l’Avent, je nous invite à faire comme Marie et Élisabeth : à nous réjouir des promesses de Dieu, à accueillir la vie, même là où elle semble impossible, et à partager cette joie avec les autres. Parce que, finalement, c’est ça Noël : Dieu qui vient habiter nos vies, nos joies, nos luttes, et nos espérances. Alors, soyons des crèches vivantes, des lieux où Jésus peut naître et grandir.
Merci de m’avoir écoutée, et je vous souhaite une très belle fête de Noël.
Erika DIJOUX
Marc THOMAS - 21 décembre 2024
Les sculptures illustrant ce texte sont extraites d’une série de 6 sculptures de Gudmar OLOVSON intitulées : Les jardons de l’amour, exposée en juillet 2023 dans les jardins du château de Cheverny. Photographiées par Marc THOMAS.
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